-> 2012 ou plus tard, ca finira bien par finir
Fini LA MORT DE LA TERRE
de J.H. Rosny Aîné.
Sous le pseudo de J.H
Rosny se cache en fait deux frères, Joseph-Henry et Séraphin-Justin
(...oui, je sais) Boex. Durant la dernière decennie du XIXéme
siècle et la première du XXéme, ils signeront sous ce nom de
nombreuses récits populaires. Les spécialistes s'accordent à dire
que c'est l'ainé, Joseph-Henry, qui était la pièce maitresse du
duo. Aussi, n'est-il pas étonnant que ce soit ces propres livres qui
soit restés à la postérité lorsque le couple artistique s'est
séparé en 1908, gardant le même pseudo, mais se différenciant par
un Aîné pour Joseph-Henry et un Jeune pour Séraphin-Justin (...
vraiment, ce prénom). J-H Rosny Ainé, c'est, en effet, avant tout
l'auteur de LA GUERRE DU FEU, roman que nombre d'écoliers français
ont dû croiser au cours de leurs passages sur les bancs de la
communale (et qui inspira également un excellent film à
Jean-Jacques Annaud). Mais Rosny Ainé est aussi connu pour avoir été
le précurseur de la science-fiction de langue française, ce qu'on
appellait à l'époque le merveilleux scientifique. Plus qu'un Jules
Verne qui se contentait d'extrapolations à partir de la science de
son temps, Rosny Ainé n'hesite pas à jouer avec l'imaginaire et
l'incroyable, évoquant aussi bien des êtres extra-terrestres que se
projetant dans le très lointain futur. Ce qui est le cas avec cette
MORT DE LA TERRE (publiées dans Annales politiques et littéraires
n°1405-1412 de mai à juillet 1910) où nous assistons au crépuscule
du règne des hommes. Frappé par de multiples catastrophes
naturelles (tremblement de terres, raréfaction de l'eau),
l'humanité, jadis florissante, productive, avancée se réduit
maintenant à quelques peuplades qui se concentrent autour de rares
oasis Les pages où Rosny Aîné décrit les évènements qui ont
conduit l'homme à sa perte sont assez surprenantes par leur coté
prémonitoire. La baisse du niveau des eaux, la disparition des
glaciers, sans mettre de nom dessus, sans même sans doute en
imaginer le processus, Joseph-Henry nous parle de réchauffement
climatique. Mieux, au détour d'un paragraphe, c'est littéralement
les OGM qu'il pressent.
« Même, elle [la population humaine] se flattait de vivre prochainement de produits organiques élaborés par les chimistes. Plusieurs fois, ce vieux rêve parut réalisé : chaque fois, d’étranges maladies ou des dégénérescences rapides décimèrent les groupes soumis aux expériences. Il fallut s’en tenir aux aliments qui nourrissaient l’homme depuis les premiers ancêtres. À la vérité, ces aliments subissaient de subtiles métamorphoses, tant du fait de l’élevage et de l’agriculture que du fait des manipulations savantes. Des rations réduites suffisaient à l’entretien d’un homme ; et les organes digestifs avaient accusé, en moins de cent siècles, une diminution notable, tandis que l’appareil respiratoire s’accroissait en raison directe de la raréfaction de l’atmosphère. »
Rosny Aîné est féru de science, pour autant, il ne tombe pas dans l'optimisme béat de Verne. La technologie ne peut pas tout et certainement pas sauver les hommes de leur destin. La conclusion de LA MORT DE LA TERRE est d'ailleurs tout à la fois d'une grande tristesse, mais aussi teinté d'une forme de fatalisme. Si l'humanité disparaît, probablement quelque chose d'autre apparaitra et pour Rosny Aîné, ce n'est ni bon, ni mauvais, c'est juste ce qui doit être. Qu'il tente de nous retracer la vie de nos lointains ancêtres ou qu'il essaye de brosser notre très lointain avenir, Rosny Aîné ne nous parle finalement que d'évolution, se faisant le représentant littéraire des théories de Darwin et Lamarck, avec une prose élégante et poétique.