-> Le coté obscur de Disney
Vu ROGUE ONE. A STAR WARS STORY de Gareth Edwards.
Quelques temps avant l'Episode IV. La Rebellion découvre que l'Empire a mis au point une arme particulièrement destructrice. L'un des ses concepteurs, Galen Erso (Mads Mikkelsen), travaille en sous-main depuis des années à saboter l'arme. Il envoie un pilote de cargo, Bohdi Rook (Riz Ahmed), sur Jedha où se cache Saw Gerrera (Forest Whitaker), un chef rebelle que son extremisme a mis au ban de l'Alliance, afin de l'informer de ses plans pour détruire l'Etoile de la Mort. Mise au courant, l'Alliance décide d'envoyer une mission pour renouer avec Gerrera. L'espion Cassian Endor (Diego Luna) recrute Jin Erso (Felicity Jones), la propre fille de l'ingénieur-traitre qui l'a confié à Gerrera des années plus tôt. Avec le très méfiant et cassant K-2SO (Alan Tudyk), ils partent sur Jedha où ils font la rencontre de deux étranges comparses, Chirrut Imwe (Donnie Yen) et Baze Malbus (Wen Jiang). Ils parviennent à libérer le pilote Bodhi Rook, mais assiste impuissant au premier test apocalyptique de l'Etoile de la Mort. Conscient de la menace que fait peser cette nouvelle arme sur la galaxie, le curieux équipage va devenir Rogue One et braver toutes les forces en présence pour trouver les plans de l'arme.
Beaucoup plus noir que l'Episode VII, ce nouvel opus de la reprise par Disney de la franchise lucasienne surprend par son ton résolument cynique. Jusqu'içi, les rebelles de l'Alliance étaient plutôt dépeints, à la suite des gentils Luke et Leia, comme les défenseurs valeureux de la liberté face à la terrible cruauté de l'Empire. Içi, le propos est plus nuancé. Cassian Andor, l'espion rebelle, n'hésite pas à tuer de sang froid, sur ordre de sa hierarchie ou non. A contrario, Galen Erso a certes fait partie de l'aristocratie impériale et a contribué à l'élaboration de l'arme la plus destructrice de la galaxie, mais il s'est aussi amendé et a implanté ce qui assurera sa destruction. Au milieu, Jin, se trouvant entre deux feux, a décidé de rester en dehors. Ces trois personnages sont placés sur le fil du rasoir, obligés de choisir qui ils sont et quels camps choisir. L'ambiance est donc plus sombre. Même l'humour est moins pompier et se matérialise essentiellement par les saillies pince-sans-rire, assez réussies, de K2-SO. Pour les autres personnages, malheureusement, la caractérisation est beaucoup moins poussée. Chirrut Imwe et Baze Malbus, par exemple, ne sont que des figures utilitaires, malgré leur charisme indéniable. Hormis donc la reflexion sur les choix moraux en temps de guerre, le film tombe sur les travers qu'avait esquissé l'épisode VII, des personnages un brin fades et des situations un peu trop tributaire de l'héritage de la trilogie originale puisque dans le dernier tiers du film, nous avons droit à une enième attaque d'une base de l'Empire. Bien heureusement, le jusqu'au-boutisme du scénario et une apparition magique de Darth Vader en conclusion viennent rehaussés une fin de film qui sombrait dans le déjà-vu. Bref, ce "hors-série" surprend par ses indéniables qualités, son ton moins infantile et une vision plus nihiliste du conflit. Néanmoins, il est aussi un indice de plus que, tout comme l'univers qu'elle dépeint, la franchise a un coté obcur: une certaine tendance à revenir sans cesse sur ce qui a fait son succès et à n'en garder que le decorum et le folklore. Exploiter l'univers Star Wars dans toutes ses dimensions pour éviter la redite nostalgique et stérile, voilà qui va être la dure mission de Disney. C'est possible et le film de Gareth Edwards en est une preuve concluante.