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Dans le carquois
27 juillet 2006

Héritage

(La nouvelle  envoyée  pour l'appel à texte sur les Robots pour Khyméra)

S-008 traversait la grande plaine désertique en de larges bonds que lui permettaient les pistons hydrauliques contenus dans ces jambes. Chaque bond faisait trembler le sol et produisait un son sourd, étouffé par le sable et la cendre mêlés du désert, et qui n'atteindrait visiblement aucune oreille ou senseur aux alentours.  Le jour se terminait et un soleil rougeoyant se tenait à l'horizon, faisant briller d'un orange pâle la cuirasse du robot. Cela faisait deux jours qu'il avait quitter la ville et sa précieuse Bibliothèque. Il ressentait un vide à ne pas pouvoir parcourir les milliers de kilomètres de rayonnages, regroupant toute l'histoire et l'ensemble de connaissances de la civilisation humaine, comme il le faisait à son habitude. Mais il savait que c'était à son tour de partir en mission d'exploration et qu'il devrait parcourir une très grande distance avant de rejoindre une région qui n'avait pas été encore fouillée. Cela faisait maintenant plus de cent années que la dernière humaine s'était éteinte. Lui et ses congénères avaient d'abord parcourus la terre entière à la recherche d'hypothétiques poches de survivance de la race des créateurs. C'était peine perdue. Ils n'avaient fait que croiser les ravages des guerres thermo-nucleaires qui avait stérilisés l'humanité toute entière. A la fin de leurs recherches, les robots se réunirent dans la ville et s'immobilisèrent, faute de mission à remplir. Pendant plusieurs semaines, la ville ne fut qu'un immense champ de mécaniques parfaitement immobiles. Seul le souffle du vent, étouffé par le champ de force entourant la cité, troublait le silence de ce mausolée. S-008 avait profité de ces semaines d'inactivité pour remettre à jour sa mémoire-archive. Il avait revu le temps, maintenant lointain, de ces premières années au service des hommes. L'humanité sortait de plusieurs années de conflits religieux, mais les périls écologiques éminents avaient fait prendre conscience de la nécessité de s'unir et de s'entraider. C'est à ce moment que les premiers robots autonomes avaient été construits. Eux seuls pouvaient travailler efficacement dans le froid des pôles ou dans l'obscurité des fonds marins. S-008 avait été parmi les premières de ces machines qui aidèrent l'homme à surmonter les dérives de ces excès passés. Il ressentait une grande admiration pour ces êtres qui avaient concentré toute leur science pour créer des machines parfaites comme lui. Et il ressenti une grande tristesse à se voir, lui et ses congénères, ainsi figés, sans utilité. Puis S-008 eut une idée. Il la partagea avec ses compatriotes. Certes, l'humanité avait disparue, mais il appartenait à ses créations d'honorer sa  mémoire. Il expliqua que la planète regorgeait de vestiges de la civilisation et que ceux-çi devaient être collectés au sein de la Bibliothèque pour témoigner de la puissance et de l'intelligence des créateurs. Ainsi ils pouvaient continuer à les servir indirectement. L'idée fut accueillie avec enthousiasme. En a peine quelques jours, la Bibliothèque, l'immense tour qui dominait les dômes cuivrées de la ville, fut remplie d'objets de toutes sortes, retrouvés dans les alentours, si bien que les robots se résolurent à étendre les sous-sols de la tour et à creuser sous la ville pour permettre de stocker tout ce qu'on pouvait trouver, du moindre bouton de vêtement jusqu'au moteur d'avion orbitale. Nombreux étaient les objets qui nécessitaient une restauration minutieuse qui n'était permise que grâce à la documentation de la Bibliothèque. Cela durait depuis maintenant sept ans. La ville était redevenue une véritable fourmilière et S-008 se prenait parfois à penser que si un humain pouvait réapparaître maintenant, celui-ci serait particulièrement fier de tout ce travail. Malheureusement, plus le temps passait et plus il fallait s'éloigner de la ville et s'exposer à de nombreux dangers pour trouver de nouveaux artefacts. La peur était bien présente dans le cerveau électronique de S-008, mais il savait aussi qu'il était de son devoir de rendre hommage à la mémoire de ces êtres d'exception qui l'avaient créés: les hommes. Il continua donc son chemin, plein Nord, battant le sol au rythme d'un métronome invisible mais parfait.

*

Le troisième jour, il quitta les zones désertiques et le quatrième, il entra dans une jungle tropicale. Au fur et à mesure qu'il s'était approché, ces bonds s'étaient fait de plus en plus court à cause de la végétation et des arbres. Maintenant, il ne pouvait plus que marcher au pas ou profiter d'épaisses lianes pour se balancer et gagner ainsi quelques mètres. Ici, la végétation était particulièrement luxuriante. Des banians surdimensionnés formés un toit touffu laissant passer avec peine les rayons du soleil. Leurs racines aériennes formées un labyrinthe difficilement praticable. La région avait était peu touchée par les bombes qui avait transformé les 3/4 de la planète en immenses déserts de sables et de cendres, rasant juqu'à la roche et ne laissant plus rien repousser. Mais les radiations, qui, elles, recouvraient toute la totalité du globe, avaient fait leur office, mutant la faune et la flore en des formes, des tailles et des couleurs extravagantes. Tout autour de lui, des centaines d'espèces de végétaux s'épanouissaient dans des amas multicolores où se cachaient quelques rares représentants d'espèces animales, bien décidée à survivre au désastre.  S-008 savait que c'était de ces îlots de vie que viendrait la renaissance de la planète. D'ici à quelques siècles, ces jungles s'étendront, permettant l'extension d'un nouveau règne animal. Qui sait même si une nouvelle forme de vie intelligente ne fera pas son apparition pour succéder à l'homme ? Une raison de plus pour lui de se trouver là où il était aujourd'hui, à chercher tout ce qui pourra glorifier, aux yeux de ces éventuels héritiers, les créateurs. Il finit par aborder un marécage et devait maintenant lutter contre les moustiques  et autres insectes géants qui menaçaient de s'introduire dans sa cuirasse. Tout en chassant justement l'un d'entre eux, le robot ne vit pas le tentacule qui s'enroulait autour de son pied et qui le tira d'un coup sec. Surpris, il se laissa traîner dans la boue sur quelques mètres avant d'agripper une racine. Il mobilisa toute la tension de ces membres hydrauliques pour résister à la force qui tentait de l'attirer. Il retourna sa tête pour visualiser son nouvel ennemi. Il ne vit d'abord rien: le tentacule se perdait dans la végétation et la vase. Mais à mesure que sa proie lui tenait tête, l'animal se découvrit peu à peu, sortant de sa cache. Il s'agissait d'un de ces  calamars géants qui avait appris à vivre hors de l'eau. Ces anciens animaux des fonds marins se contentaient maintenant de l'obscurité de la jungle et de l'humidité de la terre. Il s'extirpa de son repaire de fange tandis que ses autres tentacules s'accrochaient à d'autres arbres pour se caler. Un deuxième tentacule vint prêter main-forte au premier et bientôt, la racine auquel s'était accroché S-008 céda sous la pression. Un instant, le robot se retrouva suspendu au-dessus de la gueule béante du monstre avant d'y être lâché. Une puissante mâchoire se referma sur lui, mais les dents cédèrent sur l'alliage ultra-résistant. Le calamar recracha la mécanique à plusieurs mètres de là et poussa un horrible cri de douleur. Il mit en branle son immense corps et s'enfuit au plus profond de la jungle. S-008 se releva et fit une inspection de son état: sale, boueux, mais cette rencontre semblait lui avoir peu coûté, mis à part de l'énergie. Il reporta son attention vers la tanière du « monstre », maintenant vide. Il y aperçu un reflet de lumière qui l'intrigua. Il s'approcha lentement, redoutant un retour du titan. Petit à petit, il vit ce qui avait reflété la lumière. Caché au milieu d'énormes oeufs de calamars à demi enterrés, une sphère parfaite de métal. La mémoire-archive de S-008  lui indiqua ce qu'était cet objet. Et il fut fort étonné.

*

Une bombe thermo-nucléaire. Une des rares qui n'avaient pas explosé lors des bombardements. C'était la première fois qu'un robot en trouvait une. Voilà qui serait une pièce de choix pour la Bibliothèque. Mais alors qu'il s'apprêtait à la ramasser,  une pensée s'imposa à lui. Les robots s'étaient donnés pour mission de collecter toutes les preuves de la grandeur de la race humaine. Hors, cet objet n'avait rien de grand, c'était un objet de mort et de destruction. C'était un douloureux rappel de l'autre facette de l'humanité. Celle qui tue, pille, détruit... Après les guerres de religions, pourtant, tous avaient cru à la naissance d'un véritable âge d'or pacifique. Malheureusement, tous n'avaient pas retenus la leçon. Comme il n'y avait plus rien à exploiter sur Terre, nombre de cartels économiques ont immigrés vers la Lune et Mars. La concurrence entre les deux astres s'est rapidement transformée en guerre économique, puis militaire. Et bien sûr, ils ont exportés leur guerre sur leur monde d'origine, condamnant l'humanité à mourir en dégradant son patrimoine génétique sous l'action des radiations. Maintenant, S-008 hésitait. Son grand projet était destiné à la prochaine race d'êtres intelligents que ne manquerait pas d'engendrer cette terre. Que penserait-elle de cette ... horreur... qui avait provoqué de telles destructions ?  Comment verrait-elle la race qui l'a inventée ? Comme une race sanguinaire, avide de mort ? Ou saurait-elle faire la part des choses ? S-008 ne pourrait supporter que la mémoire de ses « pères » soit traînait dans la boue. Pourtant, il prit la bombe. Il savait, malgré tout, qu'il ne pouvait la laisser dans la nature. Si un « Guerrier » la trouvait, ça serait un véritable désastre. Avec son fardeau, il décida de retourner à la ville.

*

Il quitta avec soulagement la zone tropicale qui l'obligeait à mobiliser tous ses capteurs, consommateurs d'énergie. Le désert était plus économique dans la mesure où l'on voyait les dangers arrivaient de loin. En tout cas, le jour. Car la nuit... Le soleil était couché depuis environ une heure lorsque les capteurs audio de S-008 détectèrent un son anormal. Mais il n'eut pas le temps de mieux l'analyser. Un énorme rocher venait de le frapper de plein fouet en plein milieu d'un bond. Il s'écroula à terre. Sa vision nocturne lui fit bientôt découvrir un imposant robot fonçant droit sur lui. Un Guerrier. Un de ces robots de guerre construit par les factions lunaires et martiennes. Ils avaient été rapatriés sur Terre pour continuer le conflit. La disparition des humains ne les avait pas empêchée de continuer à se battre. C'était d'ailleurs là leur seule programmation. Le champ de force de la cité les repoussait régulièrement et; à défaut, ils erraient à travers la planète à la recherche de n'importe quel ennemi. C'est pour cela que la bombe ne devait en aucun cas tombé entre les mains de l'un d'entre eux. S-008 serra un peu plus la sphère métallique. Il devait donc échapper à celui-ci. Il se releva et se remit à bondir. L'autre robot était bien plus grand et plus puissant que lui, mais S-008 pouvait espérer le semer grâce à sa vitesse et son adresse. Il se mit à bientôt à effectuer des changements de direction brusques qui surprenaient le Guerrier, beaucoup moins agile. Il profitait également du moindre relief pour se cacher, mais son adversaire semblait rompu à ce genre d'exercice car il retrouva sa trace à plusieurs reprises.  Il passa ainsi plus de quatre heures à tourner en rond dans le désert avant de perdre définitivement son poursuivant. Il continua encore à errer sans but pendant plus d'une heure pour s'en assurer totalement, puis il se dirigea vers la ville. A un moment, pourtant, il s'arrêta et contempla son bagage. Il songea à toutes les compétences qui avaient été nécessaires pour mettre au point cette bombe, et toutes ces jumelles. Tous les efforts qui avaient été fournis et qui avaient perdus toute la race même qui les avaient conçues. Etrange, songea le robot en regardant autour de lui. Sur ce bout de désert, avec les étoiles pour seules témoins, se tenait deux machines totalement opposée, l'une qui avait opéré un véritable parricide et une autre qui tentait désespéramment de garder vivace le souvenir de leurs créateurs communs. Il réalisa qu'ils étaient les deux enfants d'une race déchue qui avait travaillée à la fois à sa propre destruction, et à sa propre gloire. S-008 n'eut alors plus de doutes. Cette bombe, aussi infâme que soit son existence, est malgré tout une réalisation humaine. Au même titre que toutes les autres, cette « soeur » devait reposer au sein de la Bibliothèque. Il put alors terminer son voyage et rejoindre l'entrée de la ville et le champ de force protecteur, mis au point par les créateurs.

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Commentaires
R
Puff..... qui te parle d'effets spéciaux?? Regarde on a bien transformé Guillaume en femme fatale, alors un costume de robot, tu parles, fastoche!<br /> mdr.
L
Le personnage principal est un robot. Tu sais ce qui se passe quand il y a trop d'effet spéciaux dans un film ;-) !!
R
Intéressant... bon Alain vu que c'est moi tu me laisses les droits d'adaptation gratuits! lol. Ca pourrait faire un bon court-métrage...
L
Oui... un jour ! :-)
M
..."de terminer le tryptique de nouvelles dont celle-çi est le noyau "<br /> Miam d'autres nouvelles!!! ;-/)
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